mardi 9 novembre 2010

Entretien entre Rémi et Kareen

Toujours entre intime et extime

Avant de commencer ma lecture, je désire m’arrêter un instant sur un aspect frappant des écrits de Rémi. Pour avoir lu un certain nombre d’ouvrages de cet auteur ce qui attire mon attention et la place qu’il donne au lecteur, grâce à une écriture fluide et simple (et non simpliste, ne pas se tromper), il nous permet de comprendre des concepts qui ne le seraient pas forcément sous la plume d’un autre. J’avance donc l’hypothèse qu’il rédige pour un public étudiant.

Pour en revenir à l’entretient entre Rémi Hess et Kareen Illiade voilà en substance ce que je peux en comprendre de la place qui est la mienne : Remi nous fait entrer dans sphère familiale pour nous faire comprendre comment une tradition diaire (Parents, grand père) peut influer sur sa pratique. Il commence tôt à tenir un journal. Ce qui m’interroge à la lumière de mon histoire, c’est la façon qu’il a eu de passer de la posture (que je déterminerais comme institutionnelle) de mauvais élève à celle d’étudiant réussissant. Aujourd’hui, je le perçois comme passeur, passeur de savoir qu’il partage avec nous, et là, sa posture n’est plus la même. Il me renvoie l’image d’un homme qui a su faire une force de certaines faiblesses. Accompagner les étudiants avec un outil autre que des partiels, un outil qui peut être investit.

Dans la façon dont Rémi c’est servit du journal, dans le contexte particulier du conflit, le distribuer à ses élèves et collègues je me pose certaines questions :

  • Au niveau des élèves, il était dans une relation pédagogique, qui, à mon sens, implique un transfert (élève/enseignant). Cela n’a t-il pas biaisé l’analyse ? Je pense que le transfert est un mécanisme essentiel dans la relation/rapport au savoir.
  • Au niveau de ses collègue entre en jeu une relation liée au mode de pensé : ceux qui sont syndiqué, ceux proches du chef d’établissement… Je dirais qu’à ce niveau, l’auteur peut manquer de neutralité et de bienveillance en fonction de se qui est en jeu.

Rémi nous dit ne pas écrire l’intime (comme Amiel : Journal intime). Mais qu’est-ce que l’intime ? Pour moi, entrer chez l’Autre, c’est une partie de l’intime. Par exemple quant il relate le journal consécutif au conflit avec Jean Louis, je trouve cela intime.

« Que l’écriture libère ou répare, c’est parce qu’elle crée de l’altérité, que l’intime sort de l’intériorité dans un mouvement que Lacan appelle “une extériorité intime”, une sorte d’”extimité”
.

Mais l’écriture de l’intime acquiert un tel pouvoir de réparation de ce qu’elle reconstruit une identité, des images du moi, et que la mise en mots protège de la dislocation, défend de l’effondrement. Georges Perec dit comment, au début de sa psychanalyse, il était pris d’une frénésie d’écriture presque maniaque, car “l’écriture me protège. J’avance sous le rempart de mes mots, de mes phrases, de mes paragraphes habilement enchaînés, de mes chapitres astucieusement programmés. Je ne manque pas d’ingéniosité.” La fonction libératoire ou illusoirement thérapeutique de l’écriture agit alors à rebours de ce qu’entreprend le psychanalyste. Car c’est une identité d’emprunt, une construction moïque, que tente d’édifier l’écrivain de l’intime, sous une forme autobiographique ou diaristique, avec le désir de se connaître, d’explorer la conscience de soi et de sa vie. Cette “écriture-carapace” renforce les défenses du moi que le psychanalyste cherche, précisément, à faire tomber, elle construit des imagos alors que la psychanalyse travaille dans la “déliaison” et déconstruit, avant que par la perlaboration, quelque chose se reconstruise[1] ».

Je trouve que cet article éclaire mes propos sur l’intime (mieux que ce que je pourrais écrire).

Pour en terminer avec cet entretien je désire souligner qu’à sa lecture, le concept de moment et clair. Rémi articule ses journaux autour de moments : pédagogique, artistique et – si je puis me permettre – celui des vins dont il ne parle pas ici. (Il faut savoir que Rémi décolle systématique les étiquettes de vin qu’il boit afin de les coller dans un journal.)

Si nous embrassions de la vue le rayonnage dans lequel il met ses journaux, je me demande si nous n’aurions pas une vue d’un Homme total (hypothèse de ma part), ou tout du moins de la totalité d’un Homme, de l’homme qu’il est.

Pour ma part, je n’arrive pas à rédiger de journaux par moment ; pour l’instant je globalise, cela me confère un vue de mon travail (universitaire mais aussi intérieur de moi).




[1] Dans un article d’Agnès Verlet, “Ecriture de soi et psychanalyse”, paru dans Le Magazine littéraire de mars 2008 (n°473) :

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